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L’Année de la mort de Ricardo Reis : le Lisbonne de José Saramago
Vue sur Lisbonne, L'année de la mort de Ricardo Reis, José Saramago, livre
Vue sur Lisbonne © A.-G. Brugeron

L’Année de la mort de Ricardo Reis, José Saramago

Par Marie Lagrave

L'année de la mort de Ricardo Reis, José Saramago, livre
© Points

Lisbonne, décembre 1935. Fernando Pessoa, immense écrivain de la littérature portugaise, vient de s’éteindre. Ricardo Reis revient alors au pays natal après 16 années d’exil. Du Brésil, il vient se recueillir sur la tombe du célèbre auteur. Hanté par le fantôme de Pessoa qui lui rend visite à de nombreuses reprises, il erre pendant de longs mois dans une Lisbonne d’abord constamment pluvieuse, puis de plus en plus ensoleillée. Son quotidien, ponctué par la lecture des journaux et son aventure avec une femme de chambre, nous plonge dans le Portugal des années 30, entre dictature salazariste et prémices de la Seconde Guerre mondiale.

José Saramago, du serrurier au prix Nobel de littérature

José Saramago auteur portugais L'année de la mort de Ricardo Reis
José Saramago en 1999 © Wikimedia Commons

Paru en 1984, L’Année de la mort de Ricardo Reis est le 5e roman de José Saramago. Né en 1922 dans une famille de paysans pauvres, dans la région du Ribatejo (au centre du Portugal), son seul diplôme est un brevet de serrurier. Il fait plusieurs métiers et, parallèlement, se passionne pour la littérature. Autodidacte, il écrit un premier roman, Terre du péché, dès 1947, mais le peu de succès qu’il rencontre et le manque de confiance en lui le poussent à abandonner l’expérience. Il devient alors journaliste, et il faudra attendre plus de vingt-cinq ans – et la perte de son emploi de directeur du Diario de Noticias à cause de son engagement au sein du parti communiste – pour qu’il se consacre à nouveau à la littérature.

Un recueil de poèmes, L’Année 1993, sort en 1975, puis un second roman, Manuel de peinture et de calligraphie, deux ans après. Ce livre est l’occasion pour lui de théoriser l’esthétique qu’il adoptera ensuite dans toutes ses œuvres. Écrivain réaliste selon ses propres dires, il s’intéresse en effet à la société et à l’actualité de son temps, mais ses romans sont imprégnés de fantastique : l’humanité devenant soudainement aveugle (dans L’Aveuglement) ou la péninsule ibérique se détachant du continent (dans Le Radeau de pierre). Son style se caractérise par un narrateur à la troisième personne, souvent ironique, et par un usage minimal de la ponctuation : uniquement des virgules, des points et quelques retours à ligne. Les dialogues, notamment, ne sont annoncés par aucun guillemet ou tiret, et se mêlent à la narration, rendant parfois floue la distinction entre les différentes voix qui prennent en charge le récit.

À partir de 1975, la production littéraire de Saramago devient ininterrompue. Le Dieu manchot, paru en 1982, lui apporte succès et reconnaissance internationale. Mais ses opinions et prises de positions font parfois scandale, comme c’est le cas en 1991 avec la publication de L’Évangile selon Jésus-Christ, qui suscite une vague d’indignation dans le milieu catholique portugais. Saramago quitte alors son pays et s’installe à Lanzarote, en Espagne, où il décédera en 2010. Son génie fut néanmoins largement reconnu de son vivant, et il obtint le prix Nobel de littérature en 1998. Il est à ce jour le seul écrivain portugais à avoir reçu cette distinction.

Un hommage vibrant à Fernando Pessoa et ses hétéronymes

Fernando Pessoa auteur portugais
Fernando Pessoa © Wikimedia Commons

L’Année de la mort de Ricardo Reis est avant tout un hommage à Fernando Pessoa, immense écrivain de la littérature portugaise, né en 1888 et décédé en 1935, auteur d’un grand nombre d’œuvres – de la poésie, mais également des essais, du théâtre… –, signées sous de multiples noms. On estime qu’il utilisa environ 70 noms de plume, ce foisonnement de pseudonymes lui permettant de justifier une production aussi abondante qu’hétérogène.

Mais Fernando Pessoa ne se contenta pas d’inventer de simples noms pour parapher son œuvre : toute sa vie, il s’est évertué à créer ce qu’il appela des hétéronymes, des pseudonymes devenus personnages à part entière, doté d’un style qui leur est propre, d’une biographie et d’une personnalité distinctes de celle de l’auteur. On compte 4 hétéronymes principaux de Pessoa : Alberto Caeiro, Alvaro de Campos, Bernardo Soares et… Ricardo Reis.

C’est donc un des doubles littéraires de Pessoa que José Saramago a repris pour en faire le principal protagoniste de son roman, survivant à la mort de son alter ego et revenant au Portugal dialoguer avec le fantôme de son inventeur. Ce roman est un hommage vibrant à Fernando Pessoa et ses hétéronymes, et un prolongement de son questionnement sur l’identité – ou plutôt, sur des identités multiples, fictives ou réelles. C’est également un « règlement de compte » avec le personnage de Ricardo Reis, que Saramago dit admirer pour ses odes mais dont il peine à supporter la posture, marquée par le stoïcisme.

Une fresque sociale et politique de Lisbonne

José Saramago fait revenir ce personnage à Lisbonne dans le contexte mouvementé de la dictature salazariste et des prémices de la Seconde Guerre mondiale. Les déambulations de Ricardo Reis dans la ville et sa lecture des journaux nous plongent dans cette actualité, et son aventure avec une femme de chambre (dont le frère est révolutionnaire) va peu à peu remettre en cause et questionner sa posture face au monde.

À travers ce roman, Saramago dessine une véritable fresque sociale et politique de Lisbonne, où se déroule quasiment l’intégralité du récit. La ville devient presque un personnage à part entière, Ricardo Reis y erre sans fin, commentant les évolutions qu’elle a connues pendant ses 16 années d’absence. On découvre ses rues, ses places, ses statues, mais également l’omniprésence du Tage, les pièces jouées au théâtre à cette époque, et les gens qui y habitent, comme ces deux vieux assis sur leur banc rue de Santa Catarina, qui semblent épier les allées et venues de Ricardo Reis. C’est finalement une véritable ode à Lisbonne, en écho au recueil Message de Fernando Pessoa, qui lui aussi chantait son amour pour cette ville.

Vue sur Lisbonne
Vue sur Lisbonne © A.-G. Brugeron

« Lisboa, Lisbon, Lisbonne, Lissabon, quatre formulations différentes, sans compter les intermédiaires et les imprécises, et les enfants savent maintenant ce qu’auparavant ils ignoraient et qu’ils savaient pourtant, rien, à peine un nom qui trouble leurs jeunes intelligences, prononcé de manière approximative avec l’accent propre aux Argentins, aux Uruguayens, aux Brésiliens ou aux Espagnols […] »
(L’Année de la mort de Ricardo Reis, José Saramago, Éditions Points, p. 16)

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Peuple aux origines mêlées, constitué de Celtes, d’Ibères et de Lusitaniens, le peuple portugais va aussi être marqué par la domination romaine, puis celle des Wisigoths et des Suèves, avant de connaître la conquête musulmane de l’Hispanie et la période du Gharb Al-Andalus. À la faveur de la Reconquista, le royaume du Portugal va devenir au XVe siècle l’une des principales puissances maritimes du monde et jouer un rôle majeur dans les Grandes Découvertes, en se constituant un vaste empire colonial en Afrique, en Asie, en Océanie et en Amérique du Sud. Un voyage culturel au Portugal avec Arts et Vie vous mènera à la découverte de ces différentes strates qui façonnèrent l’identité du pays et des traces nombreuses qui en firent la gloire. Des rois comme Henri le Navigateur, Jean II, Manuel Ier et des navigateurs comme Diogo Cão, Bartolomeu Dias ou Vasco de Gama étendirent les frontières du petit royaume bien au-delà des mers, jusqu’au Congo, au Cap-Vert, à Goa, au Timor et au Brésil.

À l’entrée du port de Lisbonne, le monastère des Hiéronymites, édifié pour perpétuer la mémoire du prince Henri le navigateur, et la tour de Bélem, construite pour commémorer l’expédition de Vasco de Gama, rappellent cette période de faste et de grandes découvertes. La très riche ornementation du monastère procède de l’exubérance propre au style manuélin, à ses dentelles de pierre et à ses motifs naturalistes rappelant les cordes utilisées dans la navigation et emprunte à la fois à l’art roman, au gothique flamboyant et au style mauresque. C’est à Guimarães, « ville-berceau » que s’est forgée, au XIIe siècle, l’identité nationale portugaise : son centre historique, exceptionnellement bien conservé, témoigne de la transformation d’une ville médiévale en ville moderne, grâce à l’utilisation continue de matériaux et de techniques de construction traditionnels. D’autres bâtiments emblématiques forgèrent l’identité portugaise, comme Coimbra, qui illustre l’interdépendance entre une ville et une université. Ou encore le paysage urbain de Tomar, dominé par le vaste Couvent du Christ ceint par les murs du château de Tomar. Fondé en 1160 par Gualdim Pais, grand maître des Templiers, puis remanié sur une période de cinq siècles, le Couvent du Christ témoigne d’une architecture mêlant les styles roman, gothique, manuélin, renaissant, maniériste et baroque. La pièce maîtresse en est l’Oratoire des Templiers, inspiré par la Rotonde du Saint-Sépulcre à Jérusalem.

Dans l’abbaye de Santa Maria d’Alcobaça, au nord de Lisbonne, vous pourrez vous recueillir devant les tombeaux de Pierre Ier et d’Inès de Castro, dont le sort tragique inspira tant de poèmes, de romans et de pièces de théâtre, et admirer la ligne claire et l’exécution rigoureuse de l’art gothique cistercien. Le Portugal bâtit également sa richesse sur ses nombreux ports. Ainsi de Porto, s’étageant sur les collines que baigne le Douro et dont la croissance continue depuis les Romains se lit dans la profusion de monuments : cathédrale au chœur roman, l’église Santa Clara d’esprit manuélin, à la Bourse et théâtre São João de style néo-classique. Un voyage culturel au Portugal avec Arts et Vie vous fera aussi découvrir aussi des paysages tantôt âpres, tantôt opulents. Ceux de la région viticole du Haut-Douro, avec leurs terrasses, leurs quintas et leurs chapelles ; ceux de l’île volcanique du Pico dans l’archipel des Açores ; ceux de l’île-jardin de Madère ; ceux, enfin, de la serra de Sintra. Sintra devint, au début du XIXe siècle, le premier lieu où s’exprima, en Europe, une sensibilité nouvelle, lorsque le prince Ferdinand de Saxe Cobourg et Gotha transforma les ruines de l’ancien monastère Notre-Dame de la Péna édifié en 1503 en château de la Péna. La nouvelle sensibilité romantique s’y manifesta par l’utilisation éclectique d’éléments néo-gothiques, renaissants, égyptiens et mauresques, et par la création d’un jardin mêlant essences locales et plantes exotiques. Quant au Palais de Monserrate conçu alentour pour Sir Francis Cook par James Knowles fils, il s’est organisé autour des ruines d’un bâtiment plus ancien et marie avec audace le néo-gothique à une architecture fastueuse et colorée reprise aux palais hindous.

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